Le prêtre orthodoxe

 

 

Majoritairement mariés et souvent peu rémunérés, les prêtres orthodoxes doivent jongler entre

leurs obligations pastorales, professionnelles et familiales

Quelle mission ?

 

Malgré la différence de rites et de cultures, le ministère du prêtre orthodoxe est assez

comparable à celui du prêtre catholique, en raison de l'attachement commun de l'Église

catholique et des différentes Églises orthodoxes au principe de la « succession apostolique »

(succession ininterrompue des premiers Apôtres aux évêques et à chacun des prêtres qu'ils

ordonnent). Au coeur de la mission du prêtre orthodoxe se trouve la célébration de la « Divine

Liturgie » (la messe) et des sept « mystères » (sacrements) : le baptême, la chrismation

(confirmation) et l'Eucharistie - trois sacrements toujours donnés en même temps,

généralement aux nouveau-nés - la confession, l'ordination, le mariage et l'onction des

malades. Cependant, chez les orthodoxes, ces sept sacrements n'ont pas été fixés de façon

aussi précise que dans l'Église catholique ; en conséquence, la frontière n'est pas très nette

entre sacrement et sacramentalité (par exemple les funérailles ou un ondoiement).

Quel statut ?

 

La différence essentielle entre prêtres catholiques et prêtres orthodoxes est que la grande

majorité de ces derniers (environ quatre sur cinq) sont mariés et ont une famille. Les hommes

mariés peuvent accéder au diaconat, puis à la prêtrise. En revanche, une fois ordonné, un

diacre ou un prêtre ne peut plus se marier (ni se remarier s'il est veuf). Le célibat n'est imposé

qu'au clergé régulier, c'est-à-dire aux moines ; il existe en outre une très petite minorité de

prêtres non moines et non mariés. Depuis le VIe siècle, les évêques sont élus parmi les moines

et les prêtres non mariés, donc toujours célibataires. Le monachisme joue un grand rôle dans le

monde orthodoxe mais, à la différence du catholicisme, il n'existe pas d'ordre religieux et les

moines dépendent toujours de l'évêque du lieu. Celui-ci peut leur demander de quitter leur

monastère pour aller travailler en paroisse ou enseigner dans un séminaire.

 

La hiérarchie du clergé distingue les patriarches, (archevêques ou métropolites), puis les

évêques, les prêtres (protopresbytre, archiprêtre et prêtre dans le clergé marié ; archimandrite,

higoumène et hiéromoine pour les prêtres moines) et enfin les diacres.

Le statut familial de la majorité du clergé orthodoxe fait que la plupart des prêtres sont obligés

de travailler parallèlement à leur ministère. On en trouve dans les professions les plus diverses

(enseignants, bibliothécaires, médecins, ingénieurs, techniciens, mais aussi dans des métiers

manuels). Par ailleurs, dans un certain nombre de pays où l'orthodoxie est religion reconnue,

les prêtres reçoivent leur salaire ou une partie de leur salaire de l'État.

Quelles fonctions ?

 

Les prêtres orthodoxes célèbrent l'Eucharistie le dimanche, mais pas forcément tous les autres

jours, à la différence des prêtres catholiques qui y sont « instamment invités » par le code de

droit canon (art. 276 et 904). Les orthodoxes n'ont même pas le droit de célébrer s'il n'y a pas

au moins un fidèle présent, la Divine Liturgie étant destinée à l'assemblée. Ils ne font pas non

plus systématiquement d'homélie au cours de l'Eucharistie ; tous les prêtres ne sont pas

théologiens, et en outre la liturgie et la beauté des chants sont supposées suffire à la prière des

fidèles. Dans certains diocèses cependant, notamment en Grèce, l'évêque envoie parfois de

paroisse en paroisse des théologiens laïcs pour compenser ce « manque » et prêcher. En

Russie, la prédication est généralement réservée aux prêtres.

 

Outre l'accomplissement des sacrements, de la catéchèse et des autres tâches pastorales, le

prêtre orthodoxe, qui connaît généralement bien les fidèles de sa paroisse, répond à leurs

diverses demandes : bénédiction d'icônes, bénédiction de la maison (notamment après

l'Épiphanie, appelée Théophanie par les orthodoxes, ou après un déménagement), bénédiction

de la voiture, d'instruments agricoles ou d'autres objets de la vie courante, célébration de l'office

solennel pour les défunts (panikhida), d'offices d'intercession avant un voyage, une opération

ou tout simplement au début de l'année scolaire ; mais aussi conseils pour l'avenir des

enfants... Bref, jour après jour, le prêtre orthodoxe confie à Dieu tous les aspects de la vie de

l'homme.

 

La femme du prêtre (khouria en arabe, presbytera ou papadia en grec, matouchka en russe...)

joue souvent un rôle actif dans la communauté (lectrice, catéchiste, chef de choeur, peintre

d'icônes), mais elle n'est pas plus que les autres femmes admises au service de l'autel.

Quel mode de désignation, quelle formation ?

 

Les fidèles jouent souvent un rôle dans l'administration de leur paroisse et peuvent notamment

demander à l'évêque de leur donner un prêtre qu'ils suggèrent parmi les anciens connaissant

bien la communauté et participant régulièrement à la liturgie. Le prêtre ainsi désigné n'a pas

toujours fait d'études de théologie, mais on peut lui demander de compléter sa formation une

fois ordonné. Cependant, dans les pays de tradition orthodoxe il est maintenant assez courant

de commencer par être formé au séminaire, où les études durent quatre ou cinq ans. Les futurs

prêtres se marient souvent pendant cette période où ils postulent pour l'ordination. Celle-ci est

manifestée par l'imposition des mains de l'évêque, qui proclame « Axios ! » (« Il est digne ! )» et

le peuple répond « Axios ! »

 

Une grande diversité de situations financières

L'une des caractéristiques du monde orthodoxe est de former une communion partageant une

large unité doctrinale et liturgique, tout en étant constituée de patriarcats indépendants,

d'Églises « autocéphales » et d'Églises autonomes, qui règnent sur leur territoire et qui sont

gérés de façons parfois très différentes. L'importance des diasporas successives (grecque,

russe, roumaine, mais aussi serbe...) vient encore compliquer le tableau : en effet les fidèles

sont, pour certains, restés liés, malgré l'éloignement géographique, à leur Église « nationale »,

tandis que d'autres ont choisi le rattachement au Patriarcat oecuménique de Constantinople, qui

jouit d'une primauté d'honneur sur toute l'orthodoxie.

 

En conséquence, le statut et la situation financière des prêtres orthodoxes sont très différents

selon l'Église dont ils dépendent. En Grèce, où il n'y a pas de séparation de l'Église et de l'État,

le clergé est généralement rémunéré par l'État (notamment par l'éducation nationale pour les

prêtres enseignants). La Belgique verse aussi une subvention à l'Église orthodoxe dont elle

reconnaît le culte.

 

En Russie, en Roumanie, où les vocations ont explosé depuis vingt ans (causant parfois un

problème délicat de sélection) et où le réveil religieux a conduit à rénover ou à construire des

milliers de nouvelles églises, sur place ou dans la diaspora, les autorités ont eu du mal à suivre

financièrement ; beaucoup de prêtres, notamment ceux de la diaspora, sont obligés de

travailler. En France, on compte actuellement 25 prêtres dépendant directement du Patriarcat

de Moscou, dont une dizaine récemment envoyés par le saint-synode pour se former et dont la

rémunération ne dépasse pas 600 € par mois. Quant à l'État roumain, qui versait dans le passé

environ 40 % du salaire des prêtres, sa contribution actuelle à la Métropole roumaine de France

n'est plus que symbolique...

 

Souvent, les prêtres orthodoxes doivent jongler avec leurs obligations professionnelles,

familiales et pastorales. Notamment dans la diaspora où les paroisses regroupent des fidèles

habitant parfois très loin de l'église, ce qui conduit les prêtres à faire de longs trajets pour les